Thérapie génique : avantages et inconvénients
Les progrès de la génomique ces dernières décennies ont permis l’avènement d’un nouveau type de thérapies qui interviennent directement sur le capital génétique des cellules d’un individu. Les progrès techniques et scientifiques autorisent maintenant l’injection de gènes thérapeutiques dans le corps des patients. Parmi les biothérapies, la thérapie génique offre ainsi l’opportunité de soigner certaines maladies rares jusqu’ici orphelines de tout traitement, et apporte de nouvelles perspectives de guérir dans des domaines demandeurs tels que la cancérologie (leucémies, processus tumoral…), les maladies génétiques (drépanocytose, myopathie de Duchenne, maladie de Huntington…), et les maladies dégénératives (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson…).
Principes techniques de la thérapie génique
L’objectif de la thérapie génique est de corriger une anomalie génétique ou une mutation dans l’organisme du patient par l’incorporation de gènes sélectionnés pour leur potentiel thérapeutique. La modification vise à déclencher plusieurs types de modifications de l’expression des gènes. Il pourra selon les cas s’agir d’inhiber un gène défectueux chez le patient, de pallier son absence, voire même de réparer directement un gène par un procédé d’édition génomique pour le rendre à nouveau fonctionnel.
Deux principales méthodes se distinguent, selon que la modification du patrimoine génétique cellulaire est réalisée avant ou après l’administration au patient.
Pour la technique in vivo, il est envisageable d’introduire des gènes selon plusieurs modalités. Initialement, un vecteur viral peut être utilisé pour sa capacité naturelle à « infecter » les cellules de l’hôte. Un travail de sélection et de réorganisation du patrimoine génétique est effectué pour les rendre le plus inoffensif possible, et éviter au maximum les réactions aiguës du système immunitaire des patients.
Certains vecteurs (lentivirus, rétrovirus…) sont dits intégratifs. Les gènes qu’ils transportent (transgène), sont incorporés dans le noyau et le patrimoine génétique de la cellule-cible. Ainsi intégrés, les gènes sélectionnés pour la thérapie disposent de la faculté de se transmettre aux générations cellulaires successives, au moment des divisions physiologiques.
Cette intégration au matériel génétique nucléaire n’est pas toujours souhaitée. On a alors recours à des vecteurs viraux non intégratifs comme les adénovirus et autres parvovirus adéno-associés (AAV), grâce auxquels les gènes administrés assurent leur fonction sans intégrer le génome de l’hôte. Cette technique est privilégiée pour soigner des tissus matures, où les cellules adultes subissent peu de divisions, comme les tissus musculaires ou hépatiques. La thérapie génique pour les patients atteints d’hémophilie (carence en facteur IX de la coagulation) ou de certaines myopathies est donc un bon objectif pour cette technique. Le faible nombre de divisions cellulaires post-traitement limite la dilution des vecteurs dans l’organisme et favorise a priori le maintien de l’efficacité thérapeutique dans le temps.
Les vecteurs viraux ne sont pas les seuls utilisés pour la thérapie in vivo. Les progrès fondamentaux et techniques permettent d’envisager l’injection de gènes véhiculés par des liposomes, ou même simplement l’injection d’une solution d’ADN nu.
La technique dite ex vivo (ou in vitro) implique l’insertion des gènes médicaments à l’intérieur de cellules eucaryotes qui seront elles-mêmes greffées au donneur. C’est cette phase d’insertion du matériel génétique qui a lieu ex vivo. L’ensemble du processus s’inscrit dans ce qu’on nomme la thérapie cellulaire, où ce sont des cellules entièrement fonctionnelles qui vont permettre de traiter les malades. Les cellules utilisées sont le plus souvent des cellules souches de lignées cellulaires adultes (cellules souches de moelle osseuse), des cellules dé-différenciées ou des cellules souches d’embryon obtenues par culture.
La thérapie cellulaire combine au potentiel des gènes modifiés ou fonctionnels les capacités de la machinerie cellulaire pour leur mise en action. Par ailleurs, l’utilisation de cellules particulières – les CAR-T cells – en tant que récepteurs permet d’augmenter encore la spécificité d’action du traitement. Ainsi, les lymphocytes T-CAR sont devenus des vecteurs de choix pour certains traitements, en particulier en cancérologie. Ces cellules sont obtenues à partir de lymphocytes T modifiés génétiquement par les techniques de biologie moléculaire pour exprimer des protéines de surface chimériques qui leur permettront de reconnaître spécifiquement les cellules cancéreuses, cible de leur action.
Un horizon prometteur pour les thérapies géniques
La variété des moyens mis en œuvre pour les thérapies géniques offre des perspectives de traitement dans des domaines médicaux variés, et de nombreux essais cliniques sont en cours. L’utilisation des ARN interférents pour moduler l’expression génique permet une activité très spécifique des traitements, que ce soit localement grâce à la spécificité des cellules visées mais aussi quant aux gènes réprimés qui peuvent l’être de manière très spécifique grâce à ces ARNi très facilement modulables. Ainsi, le lieu d’expression, la cible de l’interférence peuvent être modulés, et même potentiellement l’intensité de celle-ci grâce à l’utilisation subséquente de molécules exogènes qui vont modifier la production de ces ARN interférents.
Les techniques de transfert de gène, comme l’emploi récent de nouveaux ciseaux moléculaires comme CRISPR-Cas9, sont elles aussi très spécifiques. Elles permettent l’expression de protéines particulières dans des zones localisées ou dans un tissu particulier. C’est d’autant plus efficace que les tissus physiologiques sont bien différenciés et compartimentés, comme peuvent l’être par exemple les tissus de l’œil comme la rétine. Les dystrophies rétiniennes héréditaires sont par conséquent de bonnes cibles pour les thérapies géniques. C’est un axe exploité par la société française Gensight Biologics avec son Lumevoq.
En facilitant la mise en œuvre locale du traitement, on réduit également les risques de réaction immunitaire adverse.
D’autres perspectives se heurtent à des considérations éthiques qui restreignent actuellement leur utilisation. Il n’est pas à exclure dans le futur, la possibilité de traiter des cellules embryonnaires en début de grossesse pour prévenir l’apparition, après fécondation, d’une maladie héréditaire chez l’enfant à naître.
Limites techniques et problématiques à surmonter
L’utilisation de vecteurs n’est pas sans poser problème. La nature virale de ces vecteurs a tendance à provoquer naturellement une réaction immunitaire de la part de l’organisme infecté. Le système immunitaire normalement efficace des patients peut apprendre à se protéger des vecteurs viraux comme il le ferait pour un virus pathogène. Cela peut rendre de nouveaux traitements ultérieurs inefficaces, l’organisme neutralisant naturellement les virus qu’il reconnaît, en cas de nouvelle infection. C’est potentiellement problématique pour des patients encore jeunes qui pourraient avoir besoin de plusieurs traitements successifs au cours de leur vie. Il n’est pas rare non plus que les candidats patients soient déjà naturellement immunisés contre des souches sauvages des virus utilisés comme vecteurs, rendant caduques toute tentative de traitement par cet intermédiaire. Par ailleurs, tous les vecteurs n’ont pas le même potentiel à infiltrer leur matériel génétique dans les cellules-cibles.
La thérapie génique reste plus que jamais un domaine de pointe où le développement et la mise au point de nouveaux traitement requiert de concentrer des professionnels possédant des savoirs actualisés et des compétences affutées en la matière.