Réponse au Sénat français : NON, les séniors peuvent s’adapter !
Depuis le premier confinement en mars 2020, le télétravail est devenu la règle pour les salariés dans la plupart des entreprises. Le risque clairement identifié est de mettre à l’écart ceux qui sont mal à l’aise avec les nouvelles technologies.
Les réflexions en cours en France et au Sénat
A priori, les seniors semblent être les premiers concernés par ce décalage avec un monde contraint d’évoluer et de s’adapter très vite. Alors que l’on s’interroge depuis plusieurs mois sur les conséquences de la crise sanitaire sur toutes les tranches de la population, on s’inquiète de la capacité de cette population plus expérimentée à s’adapter au développement de ce nouveau mode d’organisation.
Certains croient que les salariés de plus de 45 ans seraient incapables de s’adapter aux nouveaux modes de travail et hostiles à des technologies nouvelles qu’ils ne connaissent pas. Ils évaluent que le télétravail précipitera la mise à l’écart des seniors dans les entreprises ou leur interdira de retrouver un emploi.
Le Sénat lui-même en est venu à la conclusion que l’insertion des seniors dans le monde du travail pourrait devenir encore plus difficile. Ce sujet a notamment été abordé lors d’une table ronde au Sénat, en février 2021. « N’y a-t-il pas un risque de fracture générationnelle pour ces personnes proches de l’âge de la retraite et qui se sentent dépassées par ces évolutions », s’interrogeait le sénateur (centriste) Michel Canevet. Certains craignent un « cheval de Troie organisationnel » car l’exclusion que les séniors peuvent vivre face à la généralisation du télétravail pourrait servir de prétexte aux entreprises pour les mettre de côté et leur préférer des recrutements plus rentables. Des experts présents ont ainsi appelé à bien accompagner l’installation des nouveaux modes d’organisation du travail pour éviter un « désastre seniors » dans les prochains mois !
Pourquoi n’allons-nous PAS vers un « désastre » ?
- Cette vision selon laquelle les salariés les plus âgés sont hors-jeu est dépassée.
Alors que la crise sanitaire est une situation totalement inédite, des études lors du premier confinement ont montré que les seniors sont, au contraire, de ceux qui s’y sont le mieux adaptés.
Autonomes, autodisciplinés, fiables, stables, ils sont habitués à s’automotiver et à s’investir car ils ont intégré depuis longtemps l’impératif de productivité et l’intérêt collectif. En outre, ils savent relativiser et faire preuve de discernement et de sagesse. Surqualifiés par rapport aux juniors, ils détiennent le savoir et une expérience longue et plurielle, tant technique que relationnelle, qui leur permet de prendre les bonnes décisions en évitant les faux pas, soit en totale autonomie, soit en utilisant leurs réseaux pour résoudre des situations complexes. Légitimes et fidèles à l’entreprise, ils la connaissent dans ses moindres détails.
Pour toutes ces raisons, ils représentent des piliers pour les jeunes entrants. Généralement, ils sont positifs sur les jeunes générations, en écoute active en particulier sur les nouvelles technologies, et prêts à transmettre beaucoup, dans un esprit d’équipe où le leadership qu’ils ont acquis par l’expérience est structurant. Grâce à leur savoir, complémentaire avec celui des plus jeunes, ils peuvent donc se former réciproquement sur ce qui fait défaut à chacun.
- Comment innover dans les rapports entre les salariés des différentes tranches d’âge ?
Il s’agit de revaloriser des salariés qui peuvent rencontrer des difficultés d’adaptation à un monde qui se transforme à vitesse grand V, mais dont l’image est marquée par un certain nombre de préjugés. Et il s’agit de faciliter les transferts de compétences entre générations (reverse mentoring).
Plusieurs solutions existent.
Au quotidien, le rôle classique du manager, qu’il soit le junior ou le senior, est de développer les compétences de son collaborateur, de le valoriser et de se former lui-même encore et toujours.
En outre, il est possible de confier aux seniors des missions leur permettant de mettre en avant leurs atouts propres. Par exemple dispenser des formations pour partager leur expérience et leurs savoir-faire. Les mettre au pilotage d’universités d’entreprises s’avère particulièrement pertinent en période de mutation puisqu’elles permettent de développer des réponses immédiatement opérationnelles.
Enfin, il convient de ne pas négliger la formation structurée des seniors sur les sujets d’innovation afin de prévenir le décalage auquel ils peuvent se trouver confronté lors de toute transformation rapide de l’organisation du travail.
Il n’y a donc pas de désastre imminent, les seniors ont indéniablement un avenir dans le monde de l’entreprise en constante mutation depuis des décennies, certes plus ou moins accélérées selon les périodes de l’histoire.
Conclusion : Message aux sénateurs : quelles pistes pour aider les cadres expérimentés?
Alors que d’ici 2070, nous attendons autour de 10,4 millions de seniors supplémentaires dans la population française, la question de leur employabilité est plus que jamais d’actualité. Le problème ne vient pas d’un prétendu manque de compétences sur les outils digitaux, mais du fait que leurs compétences riches, tant techniques qu’humaines, fruits de leurs expériences longues et variées, n’est pas suffisamment exploitée par les entreprises. Pour y remédier, le Sénat pourrait utilement agir pour bannir le terme de « seniors » et le remplacer par celui d’ « expérimentés », à l’écrit et à l’oral. En outre, des mesures de soutien à l’emploi des expérimentés, intéressantes à imaginer puis à mettre en place, permettraient de réduire le coût social de leur prise en charge et d’utiliser leur valeur ajoutée pour enrichir le pays. Sans doute une opportunité pour sortir du contexte économique actuel.